A la demande de Monsieur le Président de l’Université de Montpellier III, j’ai examiné la thèse rédigée par Monsieur Alexandre PAU sous la direction du professeur Christian AMALVI en vue du grade de docteur en Histoire contemporaine de cette université.
Ce travail intitulé “L’invention de Polignac. Les représentations de Polignac par les érudits et amateurs antiquisants en Velay du Moyen Âge au XXIe siècle”, comporte trois volumes de 785 pages rédactionnelles et un volume d’annexes, soit au total 1103 pages et un cd rom. C’est dire que l’auteur a consenti un effort d’érudition considérable, tendant vers un idéal d’exhaustivité (les sources et la bibliographie occupent 45 pages), et qu’il a tenu à rendre un compte minutieux de ses découvertes afin qu’aucune miette n’en soit passée sous silence.Régis BERTRAND observe que, dès les premières pages, l’on perçoit
que cette recherche est mue par une passion boulimique de l’histoire
locale et une fascination parfois un peu exclusive pour un site hors du commun.
Il juge que Polignac est « un site exemplaire pour une étude
historiographique fine ». Précoce (dès 1471) et opiniâtre
est ici l’apparition du légendaire d’une occupation antique
du lieu, qui est d’abord lié au récit médiéval
de la première christianisation du Velay, puis sera ensuite fondé sur
une sculpture interprétée comme une tête d’Apollon
et même sur divers éléments du bâti et des aménagements
souterrains du château, qui sont réputés romains. Cette
tradition historiographique est étroitement imbriquée au “grand
récit originel” d’une famille de noblesse chevaleresque
qui connaît une remarquable longévité et une belle adaptation à l’évolution
nobiliaire française.
R. Bertrand juge assez exceptionnelles l’importance et la
richesse foisonnante de la documentation imprimée ou manuscrite à prétention « savante ».
S’ajoute un corpus iconographique important et qui commence
tôt. L ’image
est prise en compte comme document historique au t. III.
Le professeur Bertrand note de très amples et intéressants développements sur les sociétés savantes départementales et locales qui forment un excursus parfois mais seront précieuses pour bien d’autres recherches. Le tome III qui s’attache à l’étude du château lui-même en tirant parti de l’analyse de terrain, d’une importante iconographie et d’une documentation très variée, lui paraît le meilleur. Les restaurations y sont bien définies et datées, la place de la forteresse dans l’imaginaire, son devenir et son exploitation touristique et culturelle nourrissent un dossier plein d’intérêt (...).
R. Bertrand souligne les difficultés considérables de l’entreprise. Ces érudits du XIXe siècle se croient compétents de l’Antiquité à nos jours. Le fait est très révélateur de leur conception de l’histoire et des prétentions de cette élite ancienne à la production et la détention d’un savoir. Mais l’histoire universitaire est fondée sur la spécialisation dans une période et parfois un seul siècle, voire quelques années, tant les compétences requises en matière de savoir et de critique des documents sont en réalité complexes et lourdes à acquérir (...)
Il regrette enfin que ne soit pas esquissée une comparaison avec d’autres sites ou d’autres histoires familiales présentant des analogies avec Polignac, en France mais aussi dans des pays tels que l’Ecosse, la Bavière, l’Italie ou l’Espagne.
En conclusion, le professeur Bertrand estime que ce travail est fondé sur une recherche documentaire inouïe et qu’il constitue pour sa partie strictement historiographique, soit ses deux tiers environ, un très bel exemple d’étude de légendaire historique. Cette thèse révèle des qualités et est pleine de substance. Elle aurait cependant gagné à être rédigée de façon davantage ramassée. Mais ses chapitres historiographiques forment un ensemble cohérent et retracent minutieusement une aventure érudite étonnante et à certains égards exemplaire.
Régis BERTRAND